I nyoman RODA,
naïf primitif balinais
I Nyoman Roda (1928-1984)
Sans connaître le personnage, j’ai acquis deux toiles de lui en 1977. Peintre à Bali de l’Envers du Décor, Roda nous décrit son monde avec une écriture lisible par nous, occidentaux. J’ai commencé rapidement à collectionner ses œuvres. Il est décédé en 1984. Ses enfants ont développé leurs activités touristiques. Suda a monté le premier magasin internet d’Ubud et Darta son restaurant et son losmen dans la maison familiale 24, Jalan Kajeng UBUD. La famille Roda a été l’objet d’un livre de William INGRAM sorti en 1998, intitulé « A little bit one O’clock » (Ersania Books ISBN 979-95322-0-5)
Les touristes qui se promenaient à Ubud fin des années 70, se souviennent certainement de lui avec son béret, la flûte qu’il vendait accompagnée d’un demi-cahier de classe avec la « partition Roda ».
Afin de mieux appréhender l’Art et la personnalité de Roda suit un article paru dans le Bali-Post en 1980.
« La Peinture devient rouge
Les amateurs d’Art se lamentent souvent du manque d’imagination personnelle dans la peinture balinaise. Roda n’estt pas, ni par son éducation, ni par ses aptitudes, destiné à devenir peintre. Il
est alors retraité de la police. Connaissant son caractère, on s’étonne de savoir comment Pak Roda a pu devenir policier. Comme il l’affirmait, il voulait un outil non pour son usage mais pour le
montrer. Et je comprends son attirance à être officier – au moins pendant les dernières années.
Pak Roda n’était sûrement pas un policier pour faire respecter la loi et l’ordre, mais plutôt pour donner le meilleur aspect de lui-même au désordre de sa vie. Son emploi le sortait de la
fascinante (mais néanmoins étroite) destinée d’un villageois balinais. Il est allé à Makassar (à présent Ujung Pandang), a prit l’avion et a vu quelques uns des meilleurs spectacles réalisés par
son nouveau pays. C’est pendant ses années de policier qu’il obtint le matériel nécessaire à la construction de son imagination exceptionnelle.
Pak Roda quitta Ubud en 1949, quand la peinture émergeait faiblement après les 10 ans de désordre consécutifs à la lutte pour l’indépendance. Pendant ce temps, en 1969, Ubud était devenue un
centre touristique et artistique. Si chacun dans son village était devenu peintre, Pak Roda pensait qu’il pouvait participer à cette action. Les autres avaient la technique, mais lui avait
l’expérience et une main lui permettant de caricaturer ses collègues et supérieurs au commissariat. Ainsi, Pak Roda se mit à la peinture. Son cerveau est alors une force d’accumulation. Il joue
de la guitare, s’intéresse à la philosophie balinaise et à la danse. Mais tout cela était un peu confus. Il a écrit un livre sur l’art de jouer de la flûte, mais avec son propre système de
notation musicale. Il parle français et anglais, mais avec une méthode créant un patois créole : c’était sa façon de parler ces langues, mais il dit en indonésien que l’important n’était pas
de comprendre une langue, mais de la parler ! Il n’est pas nécessaire d’ajouter que Pak Roda est un curieux personnage, un des plus connus autour d’Ubud. Les étrangers peuvent le rencontrer
vagabondant, habillé n’importe comment, les engageant dans une conversation. Si ils acceptent, il peut les emmener chez lui. Ils auront un spectacle inoubliable avec Roda joueur de flûte.
Inévitablement ils finiront par lui acheter un de ses petits livres dont il n’existe qu’un seul exemplaire au monde comme il l’affirme !
C’est parce qu’il est un tel personnage que Pak Roda est un tel peintre. Il n’est attaché à aucun des principes de la peinture balinaise. Fut-elle balinaise ou académique moderne, figurative ou
abstraite. Roda ne sait pas dessiner mais il peint ! Il commence son tableau non par un dessin mais en créant de vagues formes qui définiront la composition. Ces formes sont destinées à
représenter des personnages immobiles dans de plus étranges positions. Je l’ai vu incapable de terminer la partie inférieure représentant les pieds de certains de ses personnages ; dans ce
cas là, ils sont dans la boue et cela ajoute à la pluie diluvienne. Violentes, vilaines, ses peintures sont un monde fantastique. Pak Roda n’a pas de principe, ni de filtre culturel. Ses tableaux
sont plein de spontanéité, une reproduction de son caractère personnel. Sont but, dit-il, est d’amuser la galerie ou de rendre les gens en colère ! Et il réussit !
Dans un Bali normalisé, ses tableaux représentent l’Etrange et l’Inhabituel. Quand ses collègues décrivent la prospérité, la beauté, l’optimisme, Pak Roda voit la Pauvreté, la Laideur, le
Pessimisme. C’est vraiment le peintre de la réalité vécue par le balinais, c’est vraiment l’Envers du Décor. Parmi ses thèmes favoris figurent des tremblements de terre, catastrophes aériennes,
inondations, tempêtes, faim et raids policiers. Quant à l’humour, le sexe envahit la plupart de ses toiles. Les pantalons tombent, les mains aux fesses, les gens s’entremêlent l’obscénité rodant
partout. La technique est naïve ; chaque tableau montrant une accumulation de personnages vus de face ou complètement de dos. Les essais de profondeur ou simplement de perspectives sont
comiquement mélangés avec des surimpressions de plans. C’est vraiment le peintre de la réalité balinaise. Les balinais qui le connaissent et ont vu son travail le savent bien. »
Bali Post 1980